Le 17 mars 2015 dans une entrevue de 25′ sur Mediapart, l’économiste Gaël Giraud fait un lien entre, d’une part, les mesures qu’aurait dû prendre le chancelier Brüning pour éviter l’ascension d’Hitler sur fond de chômage lié à la déflation que sa politique budgétaire et monétaire a induite et, d’autre part, les mesures qu’il faudrait prendre dans la zone euro afin d’éviter une histoire similaire en France (très ?) prochainement, et peut-être ailleurs dans cette eurozone.
Pour les abonnés à Mediapart c’est là : Gaël Giraud: « La transition énergétique est un idéal de société »
Sinon direct sur Youtube , c’est ICI.
Et si vous n’avez qu’une minute ou deux, extraits verbatim ci-dessous
G. Giraud (ICI précisément) : « Il y a un certain nombre d’idée ancrées qui sont : la planche à billet c’est toujours inflationniste, l’inflation c’est toujours l’hyper inflation de demain, c’est Adolf Hitler au pouvoir. … [c’est regarder l’Allemagne en 1920] . . . tout ceci est complètement faux :
- Premièrement : on crée de la monnaie tous les jours. Si créer de la monnaie était ipso facto inflationniste il faudrait fermer toutes les banques demain matin. Une banque ne fonctionne que parce qu’elle a le droit de créer de la monnaie.
- Deuxièmement : on peut avoir des périodes d’inflation forte – on en a eu durant les trente glorieuses – qui ne dégénère pas en hyperinflation. L’inflation d’aujourd’hui n’est pas nécessairement l’inflation de demain.
- Troisièmement : l’hyper inflation en l’Allemagne c’est 1923. L’arrivée d’Hitler au pouvoir c’est 1933. 10 ans après. Ça n’a donc juste rien à voir. Qu’est-ce qui s’est passé ente 1923 et 1933 ? Ce que exactement nous faisons en Europe des politiques d’austérité budgétaire dans un contexte de déflation. C’est le chancelier Heinrich Brüning – que l’histoire s’est dépêché d’oublier qui, entre 30 et 33 avec un entêtement complètement aveugle, continue de faire de l’austérité budgétaire alors que l’Allemagne s’enfonce dans la déflation et c’est ça qui fait qu’au bout de trois ans les classes moyennes désespérées votent Hitler. Et c’est exactement ce scénario que nous sommes en train de reproduire en Europe aujourd’hui à travers notre entêtement à faire de l’austérité budgétaire alors que cela ne marche pas. Et c’est ça qui fait que vous avez Aube dorée en Grèce et le Front National en France. »
Si vous voulez poursuivre la vidéo à partir de là, cliquez ICI.
Ce petit parallèle historique ramène à la proposition de G. Giraud dans le cadre des travaux qu’il a mené en tant que chef économiste à l’Agence française de développement, à savoir un investissement de 100 milliards d’€ pour réaliser la transition énergétique.
On retrouve ce parallèle historique dans un court article de 2018 de l’économiste Christian Chavagneux rendant compte d’un article scientifique : « Austerity and the Rise of the Nazi Party« , NBER Working Paper n° 24106, décembre 2017.
L’article étant peut-être réservé aux (chanceux) abonnés, je vous en livre le dernier paragraphe :
« Sortant d’une réunion avec Brüning en 1932, John Maynard Keynes s’inquiétait du niveau de déflation allemand et du fait que la population n’exprimait plus d’autre avenir que le souhait d’un « changement ». Dans les années 1950, Pierre Mendès France dénoncera les conséquences politiques d’une austérité mal venue. Pour Paul Krugman, prix Nobel d’économie, la conclusion est claire : « Non, ce n’est pas l’hyperinflation de 1923 qui a porté Hitler au pouvoir, c’est la déflation et la dépression de Brüning. »