Pourquoi la France, 6 ans après l’accident de Fukushima, n’arrive pas à fermer UN seul réacteur nucléaire sur 58 alors que l’Allemagne en a fermé NEUF sur 17 dans le même temps dont HUIT du jour au lendemain et ce sans augmenter ses émissions de gaz à effet de serre ?
En quelques lignes, inventaire du contexte économique et social, lequel influe indubitablement sur les marges de manœuvre de l’action politique. D’autres multiples raisons telles l’histoire et la culture, sur lesquelles est fait l’impasse ici, complètent probablement les explications.
La base du raisonnement s’établit sur les chiffres de la période 1995–2014. 2014, ce n’est que trois ans après la fermeture de huit réacteurs allemands mais c’est suffisant pour évaluer l’impact de ces fermetures soudaines sur les émissions de gaz à effet de serre de l’Allemagne. Tous les chiffres sont issus du document L’énergie dans l’Union Européenne et quatre pays, B. Laponche, Global Chance, Juin 2017.
Contexte démographique et économique (période 1995–2014)
Quoique le PIB allemand a cru sensiblement plus vite que celui de la France, eu égard au différentiel démographique important (-1% vs +10,7%), le pouvoir d’achat moyen des allemands s’est accru bien plus que celui des français (+30,6% vs +21,9%, soit 40% de plus). Les efforts en matière énergétique sont donc plus acceptables lorsque « ça va mieux » pour le reste.
Contexte énergétique
L’Allemagne dispose encore à ce jour de gisements importants de charbon (houille et lignite) sur son sol alors que la France, voyant ses gisements s’épuiser, s’est lancé dans le tout nucléaire et ce bien avant que l’on ne parle de changement climatique.
Et comme les premiers pas sont toujours les plus faciles, grâce à la substitution d’une partie substantielle du charbon, fortement émetteur, par le gaz (1990–1998) puis par les énergies renouvelables (1998 à nos jours), l’Allemagne parvenait à réduire ses émissions de gaz à effet de serre sans avoir recours au nucléaire, tout en restant certes à un (trop) haut niveau : en 2015, les émissions de gaz à effet de serre par habitant étaient en effet encore environ 60% plus importantes pour un Allemand que pour un Français (source : GreenHouseGasViewer, 2017). Ce rapport s’est d’ailleurs accru depuis 1995, année pour laquelle le rapport « n’était que » de 1,5, la valeur française baissant en effet de 23% tandis que la valeur allemande ne baissait que de 18%.
Soulignons toutefois que le secteur de l’industrie, de forte intensité énergétique, est bien plus développé en Allemagne qu’en France : en 2016, il représentait 20,6% du PIB contre 10,2% en France (source : chiffres clés – industries manufacturière, Ministère français de l’Economie & des Financees, 2017).
Notons également le fait que si l’on tient compte non plus des seuls gaz à effet de serre émis sur le territoire national mais de l’ensemble des émissions liées à la CONSOMMATION de la population de ce territoire, appelée Empreinte Carbone, alors le différentiel se réduit considérablement : il passe de +60% à une fourchette allant de +15% à +37% selon les sources (Rapport Planète Vivante 2014 du WWF ou Carbon Footprint of Nation). Cette réduction s’explique en partie par le bilan commercial énergétique entre les deux pays : la France importe en effet plus d’électricité allemande (produite essentiellement à partir de charbon) qu’elle n’en exporte (essentiellement d’origine nucléaire) vers ce pays. Ces échanges contribuent donc à augmenter l’empreinte carbone de la France et à réduire celle de l’Allemagne.
Une autre part de l’explication tient dans le bilan français importation/exportation de produits manufacturés (industrie), lequel est bien moins favorable, en terme de bilan carbone, que celui de l’Allemagne : lorsque la France importe des biens de Chine, où le charbon est une source d’énergie importante, et qu’elle exporte des biens fabriqués avec une énergie peu carbonée (électronucléaire), elle alourdit considérablement son bilan carbone.
Conclusion :
L’Allemagne progresse plus vite que la France en terme de réduction de l’empreinte carbone de ses habitants (cf. graphique ci-dessous).
Volonté politique ou point de départ plus favorable ? Les deux, mon capitaine !
Au delà du seul problème des émissions de gaz à effet de serre, la France peut donc mieux faire beaucoup en terme de politique énergétique, que ce soit en fermant de manière anticipée ou pas ses centrales nucléaires.
L’empreinte carbone par habitant s’est réduite de 20% en Allemagne et de 5% en France sur la période 1990–2010.
(Source : http://carbonfootprintofnations.com/content/carbon_footprint_worldwide_1990_2010_/)
Note : Les commentaires sont ouverts mais nous n’entamerons pas ici le débat sur la pertinence ou pas de se passer du nucléaire, en totalité ou en partie, même si j’y suis très favorable. C’est d’ailleurs en toute cohérence avec ce souhait que, depuis que c’est possible (2007), mon fournisseur d’électricité est Enercoop. Ce fournisseur garantit en effet une électricité d’origine 100% renouvelable (donc sans nucléaire).
Actualisation (accés réservé aux abonnés) : Transition énergétique : l’Allemagne peut encore mieux faire