17) Préjugés sur les dépenses publiques
17–1)« Il y a trop de dépenses publiques ! »
FAUT VOIR ! Qui dit « trop », signifie qu’il faut en supprimer. Pourquoi pas ! Mais lesquelles et selon quels critères ?
Un constat : les dépenses publiques représentent une part croissante du PIB .
Pourquoi ?
De 1978 à 2010 (33 ans), le poids des dépenses publiques dans le PIB s’est accru de 11,9 points de PIB. Comment une telle progression se justifie-t-elle ?
Si l’on compare l’évolution entre l’année 1978 et l’année 2010, la décomposition de la progression est la suivante :
De 1978 à 2010, l’augmentation des dépenses de fonctionnement (+1,3 pt) ne représente que 11% de l’augmentation totale (+11,9 pt).
Peut-on, en réduisant le nombre d’emplois publics (santé, éducation, travailleurs sociaux, recherche, …) réduire ces dépenses sans entamer la qualité des services publics ?
Pas sûr !
N’est-il pas légitime que le coût de la santé s’accroisse parallèlement au développement de nouvelles thérapies ?
L’on peut cependant se poser la question de la prévention : ne serait-il pas moins coûteux de prévenir certaines maladies. Non seulement celles liées à notre mode de vie individuel (sédentarité, alimentation, …) mais aussi à notre environnement collectif (polluants chimiques , …).
N’est-il pas légitime que l’éducation et la formation prennent une part croissante ? Doit-on déléguer ces fonctions à des établissements privés ?
Concernant les rémunérations des emplois publics (fonctions publiques d’état, territoriale et hospitalière), voir : Préjugés sur les fonctionnaires.
L’essentiel de l’augmentation est due aux dépenses de transfert (+9,3 pts) et principalement celles de prestations sociales (+7,5 pts) qui représentent 63% de l’augmentation totale.
Faut-il réduire ces prestations sociales qui représentent 45% des dépenses publiques ?
Ces prestations concernent : la santé (maladie, accidents du travail, invalidité), la vieillesse et survie, la maternité et la famille, le chômage, le logement, la pauvreté et l’exclusion sociale.
Sur la pauvreté et l’exclusion, voir : Préjugés sur les minima sociaux.
Sur la maternité et la famille, voir : Préjugés sur les prestations familiales.
Sur le chômage, voir : Préjugés sur le chômage.
Sur la protection sociale (santé et retraites ) : patience !
Hormis ces deux gros postes de dépenses (fonctionnement et prestations) qui représentent 80% de la dépense publique, il reste 20% se décomposant en : charges d’intérêts de la dette (4%), subventions et autres transferts courants (10%), et enfin investissement (6%) comme l’illustre ce graphique pour l’année 2010 :
Source : Rapport sur la dépense publique et son évolution, p. 11, graphique 1, Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, 2012.
En savoir plus : « La France a-t-elle trop de dépenses publiques ? » (C. Chavagneux, Alternatives économiques, juin 2012). L’article réalise une comparaison intéressante avec l’Allemagne qui serait plus vertueuse en la matière et qu’il faudrait imiter selon certains !
17–2) » Les charges pèsent trop sur les entreprises et pénalisent leur compétitivité ! »
FAUX ! Les « charges », que l’on devrait appeler cotisations sociales, sont des prélèvements obligatoires sur votre salaire « super-brut ». Ils sont partie intégrante de votre salaire « super-brut », lequel est la somme de votre salaire brut et des « charges » patronales. Les « charges » salariales sont prélevées de votre salaire brut et conduise au salaire net. L’ensemble de ces « charges » contribuent pour l’essentiel à votre propre protection sociale (retraite, chômage, maladie). Les autres prélèvements contribuent à des objectifs collectifs ciblés tel le logement, les transports, la formation, ….Il s’agit donc en fait d’une partie des salaires qui est, soit différé (retraite, chômage, …) , soit socialisé (santé, éducation, recherche, …).
Notons au passage que les cotisations maladie, famille et retraite, sont gérées par la Sécurité Sociale, organisme de droit privé (ses employés ne sont donc pas des fonctionnaires !).
Une part plus réduite (CSG, …) de ces « charges » contribue au budget de l’état afin de procéder à une redistribution des richesses et/ou d’assurer le fonctionnement des pouvoirs régaliens (ordre, sécurité, justice, …) de l’état . Voir graphique ci-dessus répartition de la dépense publique.
En résumé, ces « charges » correspondent donc à des dépenses collectives et ne pèsent donc pas plus sur les entreprises que le salaire net. Il va de soit que baisser, l’un, l’autre ou les deux, fait baisser le coût du travail et peut donc augmenter la compétitivité des entreprises si celles-ci répercutent cela sur leur prix plutôt que sur leur profits.
Cependant, si ces « charges » n’existaient pas, ce serait à chacun d’entre-nous de les réaliser individuellement en prenant des assurances privées pour nous protéger des accidents de la vie : chômage, maladie, vieillesse, …
Ce système serait-il plus juste ? Moins coûteux ? Pas sûr ! Un bon exemple sont les dépenses de santé dans les pays de l’OCDE. Les Etats-Unis est un des rares pays où la part les dépenses privées (complémentaires santé, reste à charge) de santé sont plus importantes que celle des dépenses publiques (sécu, …). Et c’est pourtant le pays où la part des dépenses de santé dans le PIB est de loin le plus important : 15,3% contre 11,1% en France et 10,6% en Allemagne. Pour quel résultat ? Concernant l’Allemagne relativement à la France, lire Santé : maîtrise des dépenses en France, financement pragmatique en Allemagne (Alternatives économiques, avril 2012).
Un seul indicateur : l’espérance de vie en 2010 était de 3,2 ans moins élevée aux Etats-unis qu’en France, l’Allemagne et le Royaume-Uni se situant entre les deux (resp. 80 et 80,4 ans)
Au Royaume-Uni, les dépenses totales de santé sont inférieures de 2,7 pts de PIB par rapport à la France. Cependant, la part publique y est plus importante qu’en France (87% contre 79,5% ). Notons qu’une spécificité du système de santé britannique réside dans le fait que les médecins sont des employés du public.
Le graphique ci-dessous fait état des dépenses de santé dans divers pays de l’OCDE.
17–3) » Les prélèvements obligatoires limitent le pouvoir d’achat et pénalisent donc l’emploi ! »
FAUX ! Les prélèvements obligatoires correspondent à des dépenses collectives qui de fait se traduisent par des achats (collectifs) de biens ou de services. S’agissant des services, tels l’éducation et la formation, la santé, la recherche, l’aide au retour à l’emploi, . . . elles se retrouvent dans la consommation des employés du public. S’agissant de biens, tels les infrastructures routières, ferroviaires, les établissements scolaires, les logements sociaux, les équipements sportifs ou culturels, …. elles génèrent de l’emploi, non délocalisable, dans le bâtiment, le génie civil, …
Si ces dépenses collectives n’existaient pas, ce serait à chacun d’entre-nous de réaliser individuellement certaines d’entre-elles auprès d’opérateurs privés (complémentaire santé, complémentaire retraite, établissement scolaire et universitaire privés, cliniques privées, ….). Ce système serait-il moins coûteux ? Pas sûr : quid du coût de la communication des entreprises pour attirer des clients ? Quid de la rémunération des actionnaires ?
En outre, ce système serait-il plus juste ? Un coup d’oeil outre-atlantique suffit à se rendre compte du contraire : ne peuvent prendre des assurances que ceux qui en ont les moyens. L’on voit ainsi des gens ne pouvant se soigner ou devant travailler jusqu’à la mort !