À ceux qui voient en tout immigré ou descendant d’immigré non européen, un musulman . . .
. . . et qui, percevant une augmentation de la « coloration » de notre population, en déduisent une « islamisation » de la France, laquelle serait en outre une menace.
Que disent les chiffres ?
Un premier chiffre : 8 % des adultes de 18 à 50 ans se déclarent de religion musulmane, soit 2,1 millions de personnes.
Source : » Trajectoires et Origines : Enquête sur la diversité des populations en France », p. 124, INED, octobre 2010).
Pour les sceptiques envers les statistiques officielles, selon l’IFOP, ce taux serait de 5,8% de la population des plus de 18 ans (source : » ANALYSE : 1989–2011, Enquête sur l’implantation et l’évolution de l’Islam de France », p.4, IFOP, juillet 2011). Cette dernière enquête évaluant à 9% la part des plus de 55 ans dans la population musulmane (p. 5), ce chiffre de 5,8% est compatible avec le chiffre de 8% des 18–50 ans de l’enquête de l’INED (Rq : de nombreux immigrés « musulmans » retournent dans leur pays d’origine à l’occasion de leur retraite).
Nous constatons une répartition inégale sur le territoire. Inégalités liées à l’historique des bassins d’emplois des immigrés « musulmans » mais liées aussi à la politique du logement. De nombreuses villes ne respectent pas la loi SRU instituant une proportion de 20% de logements sociaux, les « musulmans » faisant plutôt partie des classes pauvres et modestes.
Par conséquent, en terme de population religieuse, la population musulmane (8%) n’est pas plus une menace pour notre laïcité que la population catholique qui représente 43% de la population française de plus de 18 ans (cf. tableau 1 supra).
Comment donc une population religieuse aussi réduite pourrait constituer une menace ?
Si vous préférez écouter que lire, je vous suggère ces deux vidéos de Raphaël Liogier, professeur à l’Institut d’Études Politiques d’Aix en Provence, auteur de l’ouvrage “Le mythe de l’islamisation” (2012) : une courte (8 min.) et une longue (26 min). Ou lire l’article « les paranos de l’islamisation » dans Politis ou encore l’avis de l’éditeur.
Comme rappelé dans ces documents, d’un point de vue quantitatif, l’islamisation de la France n’est assurément pas en cours, et ce après 50 ans d’immigration « musulmane », importante et encouragée jusqu’en 1975, bien moindre et stable depuis.
Ainsi de 2005 à 2010, le nombre d’entrées est stabilisé autour des 200.000 entrées (201.500 en 2010) auquel il convient de retrancher les sorties (126.500 en 2010), comme l’illustre le tableau ci-dessous.
Note : le nombre important d’immigrés quittant le territoire s’explique essentiellement par la forte proportion d’étudiants (32,4 % des entrées en 2010) et par le retour au pays pour la retraite, 40–50 ans après l’immigration massive des années 1960–70.
Donc non seulement l’immigration globale s’est réduite mais en outre la part de l’immigration « musulmane » n’en représente plus qu’un bon tiers comme l’illustre le diagramme ci-dessous.
L’ensemble des quatre pays à forte population musulmane (82 à 86 %), à savoir la Turquie, la Tunisie, le Maroc et l’Algérie représente 34,5% de l’immigration (2008). En rajoutant l’Afrique subsaharienne (9%), à forte proportion musulmane (80%), l’on arrive à 43%.
Une population « musulmane » stable, voire en diminution.
La population « musulmane » en France ne peut donc pas s’accroître puisqu’on ne constate pas de conversions, que le flux migratoire « musulman » est stable et que le taux de natalité des immigrés « musulmans » rejoint rapidement celui de la population française.
On peut même imaginer une réduction de la population « musulmane » dans la mesure où nombre de descendants d’immigrés « musulmans » quitte la religion musulmane au profit du christianisme ou d’aucune religion.
C’est ce qu’atteste le tableau ci-dessous résumant la situation des quatre principales origines géographiques d’immigrés « musulmans ». Comme on le voit, il y a 10 à 20 % de musulmans de moins chez les descendants d’immigrés que chez les immigrés. En particulier, l’on constate une baisse d’environ 22% pour les trois principaux pays d’immigration « musulmane ».
Source : Trajectoire et Origines (TeO) : Enquête sur la diversité des populations de France, Ch. 16, p 125, INED-INSEE, 2008.
Ces chiffres de l’INED-INSEE sont confirmés par l’enquête IFOP/La Croix qui atteste que 26% des descendants d’une famille musulmane se déclarent non musulmans (22%), d’une autre religion (1%) ou sans religion (3%) (source : » ANALYSE : 1989–2011, Enquête sur l’implantation et l’évolution de l’Islam de France », p.7, IFOP, juillet 2011).
De son côté le Pew Research Center, dans son rapport intitulé « Le futur de la population musulmane globale » (en anglais, 2011), se fondant sur les données du document cité ci-dessus « Trajectoires et origines » , conclut que « pour la France, la projection basse pour 2030 tourne autour de 9,8 % de population de religion musulmane. Et autour de 10,9 % pour la projection haute, les variables essentielles étant le taux de fécondité et le rythme de l’immigration. ». La projection haute conduit à une part de la population se déclarant musulmane très minoritaire (10,9%), bien inférieure à celle des chrétiens (45% en 2008).
Si la proportion de musulmans en France n’augmente pas, l’aspect qualitatif constituerait-il cette présumée islamisation de la France ?
En attendant de plus amples développements, voir ce document, cette video et/ou ce livre. Du même auteur, lire l’article Le mythe de l’invasion arabo-musulmane (Raphaël Liogier, Mai 2014).
Mais je me permets de douter d’un quelconque risque : en 1905, lorsque a été décidé la laïcité de la République Française, la proportion de catholiques en France représentait 90 % de la population.
En outre, la multiplicité des courants musulmans en France bride toute possibilité d’organisation. D’ailleurs, n’assiste-t-on pas à des guerres entre populations musulmanes, essentiellement sunnites vs chiites, plutôt que vis à vis de populations non musulmanes ?
Si l’on établit le nombre d’établissements scolaires confessionnels rapportée à la population de la confession concernée (cf. 1er tableau ci-dessus) , on obtient :
- 564 établissements de confession juive (282 établissements pour 0,5% de résidents français de 18 à 60 ans se déclarant de confession juive) ;
- 197 établissements de confession catholique (8485 établissements pour 43% de catholiques) ;
- 3,75 établissements de confession musulmane (30 établissements pour 8% de musulmans).
…………………
Difficile d’en déduire une islamisation par l’enseignement, pas plus que par un présumé communautarisme d’ailleurs. Lire à ce propos l’article de janvier 2015 d’Olivier Roy : « La communauté musulmane n’existe pas »
Une couverture de magazine telle celle de gauche ci-dessous laisse accroire une réalité qui n’est donc que pur fantasme. Celle de droite est un montage (il y en a d’autres ICI) afin de se rendre mieux compte de l’objectif stigmatisant de telles couvertures.
Actualisation (janvier 2015) : quelques courbes et données pertinentes sur le site du Monde : Petites et grandes erreurs factuelles d’Eric Zemmour sur l’immigration