« Les pauvres dépensent l’allocation rentrée scolaire en téléphones portables, écrans plats »,
A. Nonyme à la cafét de mon entreprise, 2014.
- Non, les pauvres ne dépensent pas plus que les riches en « futilités » !
Non, les pauvres n’achètent pas des écrans plats avec l’allocation de rentrée scolaire !
Non, les pauvres ne consacrent pas une part moindre de leurs revenus à leurs enfants que les riches ! - L’autre jour, je discutais avec un collègue CSP+ [1]. Celui-ci semblait convaincu que les CSP- dépensaient plus en communication et écrans divers (TV, jeux vidéos, …) qu’en culture et loisirs pour leurs enfants. Le fameux mythe de l’achat d’écrans plats avec l’allocation de rentrée scolaire.
- Voyons voir. Comparons, à l’aide des données de l’INSEE, la structure des dépenses des ménages en fonction de leurs revenus. Les ménages sont classés selon dix déciles : des 10% aux revenus annuels par unité de consommation les plus bas, noté D1, aux derniers 10% les plus hauts, noté D10. Les premiers perçoivent, en moyenne 7.857 €, les derniers 22.315 € (2001) [2].
Premier tableau : il représente les dépenses absolues des ménages selon onze postes budgétaires (logement, transport, alimentation, ameublement, loisirs & culture, restaurants & hôtels, habillement, santé, alcool & tabac, communication, autres).
On constate que, pour TOUS les postes de consommation, les dépenses sont d’autant plus importantes que les revenus le sont. On remarquera particulièrement que les dépenses de transports progressent bien plus vite que les revenus. Cela ne semble pas démontrer que les « pauvres » auraient des voitures trop puissantes relativement à leurs moyens. A moins que ce ne soit parce que plus on est riche plus on travaille loin !
Voyons maintenant les parts prises par chaque poste budgétaire. Chacun jugera quels postes correspondent le mieux aux « futilités » et lesquels correspondent le mieux aux « nécessités ».
Deuxième tableau : part relative de chacun des 11 postes budgétaires des ménages en fonction des revenus.
- Premier constat :
- Logement (loyers, charges, travaux courants d’entretien, eau, gaz, électricité et autres combustibles), le premier décile y consacre une part de 10 points de pourcentage de plus (28%) que les trois derniers (18%). Autrement dit, les pauvres consacrent à leur logement une part 55% relativement plus importante que celle les riches (28% / 18%) ;
- Alimentation : le premier décile y consacre 7 points de % de plus (20%) que les riches (13%). Autrement dit les pauvres consacrent à leur alimentation une part 54% relativement plus importante que celle des riches (20% / 13%).
Le logement et l’alimentation constituent-ils des dépenses futiles ? Les pauvres occuperaient-ils des logements « au-dessus de leurs moyens » ? Ou les pauvres seraient-ils contraints de louer (cher) leur logement ? Les pauvres achèteraient-ils des denrées « au-dessus de leurs moyens » ?
- Deuxième constat : avec 27 € mensuels, les plus pauvres consacrent 1,3% de plus à leurs dépenses de communication que les plus riches qui y consacrent 53 €, soit le double. Est-ce cela qui fait dire à mon collègue que les pauvres dépensent leur argent en futilités au détriment de leurs enfants ?
Ci-dessous détail du poste Communication :
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- Où se cachent donc ces fameuses dépenses en « écrans plats » et autres « futilités » ? Les chiffres 2013 viendraient-ils démentir ceci ? Permettez-moi d’en douter : si les écrans plats n’existaient pas encore en 2001, il ne manquait pas d’autres « futilités » sur le marché.
- Et maintenant, étude de cas :
1) Soit une famille de pauvres qui achète un écran plat « trop grand » tous les cinq ans. Quelle part cela représente-t-il dans le budget selon ses revenus ?
2) Considérant que les français passent en moyenne 3h30 quotidiennement devant la télévision, comparez l’heure de distraction télévisuelle à l’heure de distraction culturelle (cinéma, exposition, concert, . . . ) ;
3) Même exercice avec les téléphones portables et autres « futilités » !
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[1] CSP = Catégorie Socio-Professionnelle. Selon les classements de l’INSEE, ce Professeur d’Université fait assurément partie, tant du point de vue de sa qualification professionnelle que de sa position sociale, de la Classe Supérieure de cette nomenclature.
[2] Comme pour les revenus, les consommations des ménages sont normées, dans un but de comparaison, en fonction de la taille et de la composition du foyer, avec des échelles d’équivalences spécifiques à chaque grand poste budgétaire (cf. encadré 1, p. 231 du doc Les structures de consommation des ménages à bas revenus).