La crois­sance verte est-elle soute­nable ?

On nous dit souvent, conti­nuons à nous déve­lop­per car cela nous permet­tra d’être écono­mique­ment plus riche et tech­no­lo­gique­ment plus perfor­mant, et donc cela nous permet­tra de résoudre les problèmes écolo­giques. Parfois, ceux qui disent cela, pour faire sérieux, évoquent la courbe envi­ron­ne­men­tale de Kuznets, dont la vali­dité est, hélas, contes­tée.

Tentons de poser le problème en deux graphiques montrant les faits, dont on sait qu’ils sont têtus !

La corré­la­tion Empreinte écolo­gique / PIB par habi­tant d’un pays est mani­feste

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Atten­tion : les échelles sont loga­rith­miques afin de permettre de visua­li­ser sur un même graphique la plupart des grands pays dont les PIB et les empreintes écolo­giques par habi­tant varient d’un facteur 1 à 10 !

  L’Empreinte écolo­gique d’un habi­tant d’un pays est donc forte­ment corré­lée au PIB/habi­tant de ce pays (2003). Diffi­ci­le­ment contes­table !

   Mais ce qui est globa­le­ment vrai aujourd’­hui peut-il être faux demain et/ou pour certains pays ? Autre­ment dit peut-on décou­pler, la crois­sance du PIB de la crois­sance de l’em­preinte écolo­gique, en parti­cu­lier pour les pays dont cette dernière est IN-SOU-TE-NABLE ? Ces pays sont tout ceux dont l’em­preinte est supé­rieure à 2 ha/habi­tant  envi­ron.

  L ‘ Alle­magne, « l’ex­cep­tion » ?

   Prenons le cas de l’Al­le­magne, un des rares pays qui a vu son empreinte écolo­gique par habi­tant se réduire depuis 1980 alors que son PIB par habi­tant crois­sait. Sur le graphique ci-dessous, sont repré­sen­tés le PIB (courbe bleue) et l’em­preinte écolo­gique (courbe pourpre) d’un Alle­mand entre 1960 et 2005. L’Al­le­magne a mani­fes­te­ment réussi à décou­pler l’em­preinte écolo­gique du PIB de ses habi­tants. Mais est-ce suffi­sant ?

   Pour statuer, nous avons prolongé la tendance de l’évo­lu­tion de leurs empreintes écolo­giques (droite rouge) jusqu’à ce que qu’elle croise la valeur soute­nable (droite verte). Soute­nable signi­fie l’em­preinte écolo­gique à laquelle chaque être humain peut prétendre si l’on admet qu’elle doit être égale pour tous, Alle­mands, Français, Chinois, Brési­liens, …

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  Source : Supplé­ment France du Rapport Planète Vivante 2008, WWF.

  Que consta­tons-nous ?

   L’em­preinte écolo­gique d’un alle­mand devient soute­nable à partir de . . . 2067 (envi­ron 1 ha pour chacun des 10 probables milliards d’hu­mains).

  Que pouvons-nous en conclure ?

   Au vu de ces tendances, la DETTE ÉCOLOGIQUE qui conti­nuera à s’ac­cu­mu­ler jusqu’à cette date sera-t-elle rembour­sable ? Et si la charge de cette DETTE, sur laquelle il ne sera pas possible de faire défaut, augmente ?.

   La charge de cette DETTE, c’est à dire le coût crois­sant qu’il faudra consen­tir à payer pour la rembour­ser, ne conduira-t-il pas à un moment donné à rendre inéluc­table le « défaut de paie­ment », c’est à dire l’ef­fon­dre­ment de nos socié­tés, inca­pables de restau­rer l’en­vi­ron­ne­ment sur lequel s’ap­puie pour­tant leur fameuse crois­sance ?

   L’avè­ne­ment du pic de produc­tion du pétrole ainsi que celui de bien d’autres ressources ne consti­tuent-ils pas déjà des obstacles à la restau­ra­tion de notre envi­ron­ne­ment duquel on prélève des quan­ti­tés sans cesse crois­santes de matières premières néces­saires à notre « PIB » ?

   Vers la fin de cette vidéo Sans lende­main l’on peut voir les courbes de consom­ma­tion de nombreuses ressources natu­relles NON RENOUVELABLES. C’est vers la 24e minute !

   Ques­tion sans réponse : pour que l’em­preinte écolo­gique décroisse à un rythme suffi­sam­ment vite pour que la dette soit rembour­sable, ne faut-il pas que le PIB croisse moins vite, voire DÉCROISSE ?

   Mais est-ce la bonne ques­tion ? N’est-elle pas plutôt : étant donné que la décrois­sance la plus rapide possible de notre empreinte écolo­gique est un impé­ra­tif, un objec­tif vital, la ques­tion de l’évo­lu­tion du PIB qui s’en­sui­vra n’est-elle pas dénuée d’in­té­rêt, ou tout au moins secon­daire ?

   Mais si la ques­tion du décou­plage de la crois­sance et de l’em­preinte écolo­gique vous travaille, alors je vous invite à lire cet article de Jean Gadrey : Alain Lipietz et le « décou­plage » entre crois­sance du PIB et réduc­tion de l’em­preinte écolo­gique.

Le cas de la France et nos voisins Belges et Espa­gnols

Evolution EE & PIB par habitant France-Belgique-Espagne-All

Ces courbes sont issues du rapport précé­dem­ment cité :
Supplé­ment France du Rapport Planète Vivante 2008, WWF.

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