Les politiques menées impactent marginalement les taux de croissance
Sur la base du seul graphique ci-dessous établi sur 14 pays ouest-européens pris sur la période 1950–2000, nous montrons que le taux de croissance d’un pays est d’autant plus important que son PIB/habitant est faible. Autrement dit, les politiques menées jouent peu sur les taux de croissance. Cela dément tous les discours de nombreux économistes que l’on pourrait classer dans la catégorie « néolibéraux », discours largement relayé par les partis de droite.
Ainsi entre un pays tel la Suède, où l’état providence fût et reste très développé (jusqu’à 75% du PIB consacrés aux dépenses publiques !) et un pays tel le Royaume-Uni, leader européen du néolibéralisme depuis les années 80 et initié par la Dame de fer, le taux de croissance reste très corrélé au PIB/habitant. Ceci confirme ce que Jean-Gadrey a établi pour la France et les Etats-Unis dans son article La baisse tendancielle du taux de croissance, résumé dans l’article La croissance est terminée ! . Tendance également vérifiée pour 14 pays de l’OCDE (graphique).
Pour 14 pays européens, le graphique ci-dessous illustre la relation entre leur PIB-PPA/habitant de départ relatif en 1950 (abscisse) et leur taux de croissance annuel moyen de 1950 à 2000 du PIB-PPA/habitant (ordonnée).
L’abscisse est le PIB-PPA/habitant de chacun des pays exprimé en % du PIB-PPA/habitant moyen de l’ensemble de ces pays, la valeur 100 correspondant à cette moyenne.
L’ordonnée est le taux de croissance annuel moyen de 1950 à 2000 du PIB-PPA/habitant (en %).

Nota : Ce graphique et le texte qui suit sont largement repris de l’article Crises et transformations du modèle social-démocrate suédois, Jean-François Vidal, Revue de la régulation, automne 2010.
Ainsi, l’on constate que la Suisse (en bas à droite), pays riche au sortir de la guerre, a connu depuis un taux de croissance faible (1,8%) relativement à celui de l’Espagne ou du Portugal (4%), pays (en haut à gauche) les plus pauvres au sortir de la guerre.
Les pays pauvres en 1950, le Portugal (Port), l’Espagne (Esp), l’Irlande (Irl), l’Italie (Ital), l’Autriche (Autr), la Finlande (Finl), et l’Allemagne (All) à cause des destructions de la guerre, ont eu des taux de croissance élevés.
Les pays les plus riches, la Suisse (Suis), le Royaume-Uni (Runi), la Suède (Sued), le Danemark (Dan) et les Pays-Bas (Pbas) ont eu une croissance relativement faible.
La France (Fra) et la Belgique (Belg) ont été proches de la moyenne.
Explication de l’auteur du graphique
Extrait du paragraphe 2. 1. Une croissance excessive de l’État providence ? : » Des pays qui sont limitrophes ont en général des échanges intenses de produits, de population, de capitaux, et d’idées. Cela favorise le rattrapage des pays les plus riches par les pays les plus pauvres, à condition que ces derniers adoptent des politiques économiques favorables à la croissance.
Le rattrapage des pays en retard implique le « déclin » relatif des pays les plus avancés. Mais les processus de déclin et de rattrapage ne sont pas uniformes au cours du temps : l’Irlande n’a commencé à rattraper le niveau de vie moyen en Europe que depuis la fin des années 1980. Le rattrapage de l’Espagne a commencé en 1960 et il s’est interrompu entre 1975 et 1985 environ. En Suède, la longue phase de déclin (1947–1992) a connu deux périodes de baisse accélérée : de 1947 à 1957, quand les autres pays européens ont réalisé leur reconstruction. Puis de 1989 à 1992, lorsque la Suède a subi une grave crise bancaire
D’après les auteurs libéraux, un État providence étendu freinerait la croissance parce que la progressivité des impôts et les prestations sociales décourageraient l’épargne, et parce que le poids élevé du secteur public et les interventions de l’État affaibliraient l’efficacité de l’économie, et par conséquent la productivité. Ces explications ne sont guère convaincantes « . Fin de citation.
En effet, au vu du graphique, c’est le moins que l’on puisse dire.
Mais alors si les politiques, sociales en particulier, ne jouent pas sur le taux de croissance, argument souvent invoqué pour justifier l’acroissement des inégalités de revenus, l’abaissement des minima sociaux et de la protection sociale, au prétexte que cela dissuaderait l’entrepreunariat et encouragerait l’oisiveté, pourquoi ne pas redistribuer les richesses et assurer la protection sociale à tous ?
Surtout si, comme le démontrent quelques économistes de renom, les inégalités croissantes sont à la source de la crise systémique dans lequel le monde est tombé depuis 2008.
Sur la relation entre le montant des minima sociaux et le taux de chômage, voir : Y a-t-il une corrélation entre le chômage et les minima sociaux ?
Actualisation (mars 2014) :
Ci-dessous le même graphique que le précédent mais couvrant la période 1980–2012 . Mis à part peut-être l’Irlande dont on connaît la récente spécificité financière (paradis fiscal ?) et ses déconvenues post-2008, et l’Italie, le phénomène de béta-convergence se retrouve bien vérifié pour les 12 autres pays.

Nota : ici, à la différence du précédent graphique, les PIB et donc les taux de croissance sont en $ courants. Pour disposer des taux de croissance en $ constants, il faudrait déduire l’inflation. En outre « le taux de croissance » est en réalité le rapport entre les PIB 2012 et 1980. Les taux de croissance annuel moyens serait voisin : 4,05 pour ITA et 5,61 pour Irl.